Index de l’égalité professionnelle femmes-hommes : à quoi sert-il vraiment ?

Mis en place il y a trois ans pour corriger les inégalités entre les hommes et les femmes, l’index de l’égalité professionnelle remplit-il ses objectifs ?

index égalité professionnelle
L'index de l'égalité professionnelle doit être publié chaque année par toutes les entreprises de plus de 50 salariés. © MicroOne/stock adobe.com

Depuis 2019, toute entreprise française de plus de 50 salariés est tenue de calculer et de rendre public son index de l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes. Construite en vue de mettre fin aux inégalités entre les sexes au travail, cette note sur 100 s’obtient par la pondération de cinq indices : les écarts de rémunération entre les femmes et les hommes, l’écart de répartition des augmentations individuelles, l’écart de répartition des promotions, le nombre de salariées augmentées à leur retour de congé maternité et la parité parmi les 10 plus hauts salaires de l’entreprise.

Trois ans après sa mise en œuvre, comment les entreprises se sont-elles approprié ce chiffre ? L’utilisent-elles pour faire évoluer leurs pratiques ? L’ont-elles intégré à leur stratégie d’entreprise ? Ces questions ont été au cœur de la restitution d’une étude de la Dares sur cet index, le 30 novembre dernier. Voici ses principaux enseignements.

Une vertu de prise de conscience collective

Cet index a incontestablement le mérite de confronter les entreprises à la question de l’égalité professionnelle. « Pour les entreprises les moins outillées, aux politiques RH peu volontaristes, avec des accords minimaux et un dialogue social moins établi, l’index peut avoir un effet de révélation, d’incitation à la mise en place d’actions correctives », constate Laurent Farvaque, directeur du pôle recherche études de l’Orseu.

Les DRH ou responsables diversité de certaines entreprises qui se situaient en-dessous des 75 points requis ont, par exemple, utilisé cet outil comme argument pour prouver à leur direction qu’il y avait un problème d’égalité salariale dans l’entreprise.

« De bonne foi, certaines entreprises estiment qu’elles ne discriminent pas leurs salariés car elles ne sont pas témoins de signes de discrimination directe. Or, les discriminations peuvent être systémiques et l’index a un rôle à jouer dans cette mise au jour », développe Vincent-Arnaud Chappe, chargé de recherches à l’EHESS et au CEMS.

Un instrument de mesure complémentaire

Chez les entreprises déjà en pointe sur le sujet de l’égalité salariale, cet index est souvent considéré comme un outil complémentaire de l’accord égalité ou de la BDES (base de données économiques et sociales).

« Il nous permet de regarder cette problématique sous un angle différent, celui de l’égalité salariale. Son parti pris est remarquable : engendrer une égalité parfaite entre femmes et hommes, témoigne Valérie Marbach, VP, Chief Diversity and Inclusion Officer chez Thales. Il a la vertu d’être synthétique sur un sujet majeur : la rémunération. Mais n’est qu’une brique dans un ensemble bien plus complet qui intègre des actions volontaristes de recrutement, une sensibilisation aux biais inconscients, une politique de promotion… »

Un moteur d’action pour certaines entreprises

Avec cet instrument de mesure, on passe d’une obligation de moyens à une obligation de résultats, ce qui pousse davantage les entreprises à mettre en place des actions correctives. L’exemple le plus marquant est sans doute celui lié au 4e indice : le retour de congé maternité. A travers lui, on vérifie que l’entreprise se conforme à la loi de 2006 dont l’objectif est de neutraliser l’effet du congé maternité sur la carrière des femmes. « Cet indicateur est binaire : l’entreprise récolte une note de 15 ou de 0, en fonction de si elle a augmenté une femme dans l’année qui suit son retour de congé maternité ou non, explique Nicolas Farvaque. En 2019, un tiers des entreprises avaient obtenu 0. En 2021, elles ne sont que 13%. » Preuve que l’index a remédié à la méconnaissance des entreprises au sujet de cette disposition légale.

« Chez CBRE, l’index a eu un impact sur nos process RH : lors de la mesure annuelle des salaires, on adopte une politique d’évolution salariale en fonction de l’index », précise Céline Chevanche, DRH.

De son côté, Thales s’est basé sur l’index France pour construire un index monde, qui concerne toutes ses entités : « On a repris certains indices pertinents et mesurables dans les 68 pays où nous sommes présents, en minorant parfois leur poids dans le calcul final. L’idéal serait de faire évoluer l’index France pour qu’il appréhende l’ensemble des politiques d’égalité professionnelles sans pour autant que l’outil ne devienne trop complexe. »

Mais pas un outil de pilotage…

Si les résultats de l’index sont communiqués en interne et en externe, il y a encore du chemin à faire pour que l’outil soit intégré à la stratégie d’entreprise. « Nous n’avons pas attendu l’arrivée de l’index pour nous emparer du sujet, on ne peut donc pas dire que c’est un outil de pilotage, considère Céline Chevanche. L’égalité professionnelle passe par d’autres pistes que le salaire, même si la question de la rémunération est essentielle. »

« La fragilisation des processus de négociation collective couplée à la critique de la gouvernance par les nombres sont des obstacles, concède Vincent-Arnaud Chappe. Mais attention à ne pas se tromper de combat ! Le fait de compter est très important pour les personnes discriminées, cela constitue une preuve solide pour demander réparation. »

…ni de dialogue social

« Les instances représentatives du personnel (IRP) ne se sont pas emparées de l’index et de ses notes. Même s’il y a un consensus clair sur l’importance de la question, l’engagement des syndicats est très inégal », observe Vincent-Arnaud Chappe.

« Notre CSE est plus habitué aux rapports de situation comparée des hommes et des femmes. L’index leur parle moins, confirme Céline Chevanche. Nous aimerions pouvoir travailler, à l’avenir, avec nos partenaires sociaux sur l’évaluation de nos actions mises en place : réseaux de femmes, formation des femmes au leadership… J’espère que les indices de l’index évolueront pour en faire un réel outil de pilotage ! »

Un index perfectible

S’il sert de référentiel pour mesurer les progrès accomplis au fil des ans par les entreprises sur le chemin de l’égalité femmes-hommes, l’outil présente des limites.

« Beaucoup d’entreprises regrettent qu’il laisse de côté tout un pan de la population : les non – qualifiés, les temps partiels qui sont des sources importantes d’inégalités femmes-hommes, rapporte Nicolas Farvaque. Le fait que l’index se focalise sur les salaires laisse aussi de côté les problématiques de dévalorisation de certains métiers féminisés. »

Le critère lié à l’écart de répartition des promotions fait, lui aussi, débat : comment l’évaluer dans une entreprise libérée, sans organigramme, qui n’offre pas de perspective d’évolution verticale ?

S’il s’intéresse aux plus hauts salaires de l’entreprise, l’index ne prend pas en compte les métiers à plus faible rémunération où les femmes sont surreprésentées. Faut-il les intégrer au calcul et comment ?

Autant de pistes qui pourraient conduire à améliorer l’index et challenger des entreprises sur de nouveaux critères.

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