Aides aux entreprises : « Les fonctions d’évaluation du Parlement ne sont pas respectées », dénonce le rapporteur du budget au Sénat

Aides aux entreprises : « Les fonctions d’évaluation du Parlement ne sont pas respectées », dénonce le rapporteur du budget au Sénat

Restrictions sanitaires obligent, le gouvernement vient d’annoncer un renforcement des aides aux entreprises concernées, comme le secteur du tourisme et de l’hôtellerie et de la restauration. Au Sénat, on salue l’aide au monde économique. Mais pour le rapporteur LR du budget, Jean-François Husson, « cette communication verticale et descendante du gouvernement est une manière habile  et machiavélique de cacher les réserves ». 
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La rentrée de septembre avait sonné la fin du « quoi qu’il en coûte » pour un dispositif d’aides ciblées aux entreprises. Bruno Le Maire avait estimé, à l’époque, que le passe sanitaire n’avait pas d’impact sur l’activité économique du pays ». Quatre mois plus tard, le variant Omicron a entraîné de nouvelles restrictions sanitaires, et pousse le gouvernement à renforcer les aides pour les secteurs les plus touchés.

Lire notre article. Covid-19 : « La fin du quoi qu’il en coûte », abordée avec prudence au Sénat

Activité partielle sans reste à charge, prise en charge des coûts fixes

« Toutes les entreprises faisant l’objet de mesures de restrictions sanitaires bénéficieront de l’activité partielle sans reste à charge », a annoncé le ministre de l’Economie et des Finances, Bruno Le Maire à l’issue d’une réunion à Bercy, réunissant les organisations patronales, et plusieurs représentants du tourisme, de l’hôtellerie et de la restauration.

Les bases du déclenchement de ce dispositif sont désormais élargies et « toutes les entreprises qui auront perdu 65 % de leur chiffre d’affaires », contre 80 % jusqu’à présent. Elles seront éligibles au remboursement de l’activité partielle à 100 % sans reste à charge.

Réservé jusqu’à présent à un nombre limité d’entreprises (événementiel, loisirs indoor, traiteurs…), le dispositif de prise en charge des coûts fixes est lui aussi élargi à l’ensemble des entreprises du tourisme : « Dans le fameux secteur S1 et S1 bis, il y a les hôtels, les bars, les restaurants, les agences de voyages, toutes les activités qui sont dans le domaine du tourisme », a précisé Bruno Le Maire.

Le seuil pour y avoir accès est lui aussi abaissé à 50 % de pertes de chiffre d’affaires, contre 65 % auparavant. De même le calendrier de remboursement de ces coûts fixes est accéléré pour les sommes inférieures à 50.000 euros. Le délai n se comptera « en jours et non plus en semaines », selon le ministre. « C’est un geste qui va faire du bien aux petites entreprises qui n’ont plus de trésorerie. C’est une prise en compte de la réalité économique de la part du gouvernement car même lorsqu’une entreprise est fermée, elle doit toujours faire face à des dépenses, le loyer, les charges, l’assurance… » salue Serge Babary président LR de la délégation aux entreprises du Sénat qui ajoute : « Maintenant l’enjeu pour nous va être d’évaluer le coût de ces mesures ».

Bruno Le Maire a avancé un coût d’une « centaine de millions d’euros », « très loin », selon lui des milliards du régime du « quoi qu’il-en-coûte ». « Nous avons très précisément 1,8 milliard d’euros qui n’ont pas été dépensés dans le fonds d’urgence de réponse à la crise économique » […] donc nous avons une marge de manœuvre d’1,8 milliards d’euros », a-t-il calculé.

Pas de projet de loi de finances rectificative à l’horizon

Ces nouveaux dispositifs d’aides devront-ils faire l’objet d’un projet de loi de finances rectificative ? « Non » répond tout de go, le rapporteur du budget, Jean-François Husson (LR). « Bruno Le Maire annonce 1,8 milliard de réserve, mais il y a bien plus que ça. Et c’était d’ailleurs le problème lors de l’examen du dernier budget (rejeté par le Sénat). Nous souhaitions annuler des crédits quitte à faire un projet de loi de finances rectificative par la suite. « Cette communication verticale et descendante du gouvernement est une manière habile et machiavélique de cacher les réserves. Nous aurons la possibilité d’évaluer ces dispositifs, mais après coup si jamais la situation sanitaire perdure et que les réserves sont épuisées. Les fonctions de contrôle et d’évaluation du Parlement ne sont pas respectées. Il y a quand même un souci », dénonce-t-il.

Lire notre article: Le Sénat rejette le budget 2022 pour dénoncer « la folie dépensière » du gouvernement

« Je souhaite que la gestion de ces aides soit décentralisée »

Pour la présidente LR de la commission des affaires économiques du Sénat, Sophie Primas, « il y a encore beaucoup d’interrogations car le coût annoncé me paraît assez faible. Il va falloir faire de la dentelle afin de ne pas créer d’effet d’aubaine, ni oublier certaines entreprises. Je pense notamment aux clubs de sports qui fonctionnent par abonnements et pour qui, un mois d’arrêt a des impacts sur toute la saison. C’est la raison pour laquelle, je souhaite que la gestion de ces aides soit décentralisée. Dans chaque département, il faut regarder entreprise par entreprise qui est éligible ».

« A qui va-t-on présenter la facture ? »

« On ne peut que se réjouir de ces aides apportées au monde économique, mais à qui va-t-on présenter la facture ? », s’interroge le vice-président communiste de la commission des finances du Sénat, Éric Bocquet. L’élu du Nord s’inquiète de voir prochainement poindre des mesures structurelles touchant l’ensemble des Français comme la réforme des retraites ou de l’assurance chômage pour financer cet effort. « Ce sont des mesures qui sont exigées par Bruxelles depuis longtemps déjà, alors que pour nous et notre candidat à l’élection présidentielle, Fabien Roussel, ce sont les gagnants de cette pandémie qu’il faut solliciter, les géants du numérique, les groupes pharmaceutiques et le monde de la finance. Il y a toute une série de mesures à dégager dans la lutte contre l’évasion fiscale ou la taxation des gros patrimoines.

« Le calendrier est guidé par la crise »

Deux autres mesures vont devoir faire l’objet d’un arbitrage : l’exonération de charges pour les entreprises qui auraient perdu 65 % de leur chiffre d’affaires ou qui seraient l’objet de mesures de restrictions sanitaires, ainsi que les modalités de remboursement des prêts garantis par l’Etat (PGE) déjà accordés. « Le gouvernement va devoir faire une étude d’impact. En ce qui concerne le remboursement des PGE, la vraie difficulté va concerner les entreprises qui avaient déjà des difficultés et qui ont utilisé ces prêts comme des bouées de sauvetage. Il va falloir leur dire stop à un moment donné. Nous sommes dans une logique implacable dans laquelle le calendrier est guidé par la crise. Stopper les aides alors que la crise sanitaire perdure, conduirait à annihiler tous les efforts faits depuis deux ans », constate Serge Babary.

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