Instaurer la parité dans les exécutifs locaux des petites communes

Publié le 28 décembre 2021 à 9h30 - par

La parité est encore plus difficile à obtenir parmi les élus des petites communes. Plusieurs sénateurs se sont emparés du sujet et espèrent une avancée législative qui modifierait les règles électorales dans les communes de moins de 1 000 habitants.

Instaurer la parité dans les exécutifs locaux des petites communes

Les listes de candidats avec alternance hommes/femmes ne sont pas obligatoires dans les communes de moins de 1 000 habitants, soit les trois quarts des communes françaises. Or, dans les conseils municipaux de ces petites communes, la part des femmes conseillères municipales n’est que de 38 %, contre 49 % au-delà de 1 000 habitants. Leur proportion est très faible au sein des exécutifs locaux, où elles représentent 20 % des maires, 11 % des présidents de conseils communautaires, 20 % des présidents de conseils départementaux et 32 % des présidents de région. Les femmes sont également sous-représentées au sein des intercommunalités, avec seulement 35 %.

Auteur d’une proposition de loi déposée au Sénat le 27 octobre 2021, le sénateur des Landes Éric Kerrouche préconise pour y remédier d’étendre le scrutin de liste avec alternance à toutes les communes sans distinction de taille. Il propose également que le premier adjoint soit de sexe différent du maire, de même que le premier vice-président et le président d’un EPCI. En outre, le sénateur considère que la parité doit être assurée parmi les vice-présidents.

« Nous estimons nécessaire de faire sauter le verrou des 1 000 habitants et d’appliquer à toutes les communes le scrutin de liste paritaire », précise aussi Jean-Michel Arnaud, sénateur des Hautes-Alpes, rapporteur du rapport « Femmes et ruralités : en finir avec les zones blanches de l’égalité ». Les huit rapporteurs, issus de tous les groupes parlementaires, se sont accordés sur cette mesure. En parallèle, le système de fléchage pour les élections intercommunales, avec obligation de listes paritaires, pourrait s’appliquer à toutes les communes. Certains sénateurs envisagent même d’élire aussi les exécutifs locaux sur la base de listes paritaires alternant hommes et femmes ou avec un binôme femme-homme à leur tête. Mais selon Éric Kerrouche, la jurisprudence Salbris du Conseil constitutionnel du 20 juin 2014 empêcherait de créer de tels binômes paritaires.

La délégation aux droits des femmes du Sénat a lancé une consultation en ligne l’été dernier, qui a servi de base au rapport, dont un chapitre concerne l’accès des femmes aux responsabilités politiques locales. Sont ainsi ressortis la persistance des stéréotypes et la difficulté de concilier vie professionnelle et vie personnelle, qui impliquerait de faire évoluer le statut de l’élu pour favoriser l’engagement des femmes — notamment en favorisant les gardes d’enfants. Lors d’une table ronde sur « la parité dans les exécutifs locaux », organisée le 9 décembre 2021 par la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation du Sénat, Nadine Kersaudy, élue d’une commune de moins de 1 000 habitants du Finistère depuis 1995, a reconnu avoir vécu des relations conflictuelles au début de son mandat. Également vice-présidente de l’Association des maires ruraux de France (AMRF) en charge de la parité, elle a précisé que l’AMRF souhaite garantir les mêmes droits à toutes les citoyennes sur le territoire, à partir du premier habitant.

Mais divers facteurs juridiques et culturels empêchent les femmes d’accéder aux postes de responsabilité dans les communes, en particulier rurales. À commencer par le mode de scrutin majoritaire plurinominal à deux tours avec panachage, dans les communes de moins de 1 000 habitants : « il ne favorise pas les femmes qui se heurtent souvent à la notoriété des hommes dans les petits villages », a estimé Reine Lepinay, coprésidente de l’association « Elles aussi » pendant la table ronde. Vieillissement de la population, insuffisance du statut de l’élu, manque de reconnaissance des citoyens devenus « consommateurs » de services publics, mais aussi montée de la violence envers les élus, codes et marchandages politiques, inégalités dans la vie domestique, ou encore difficultés de mobilité dans les zones rurales sont autant de freins à la candidature des femmes. Sans compter que les stéréotypes sexistes se reflètent dans les délégations qui leur sont réservées — davantage les affaires sociales que les dossiers des services techniques, par exemple.

Au-delà des modifications du Code électoral, d’autres solutions se profilent : mieux faire connaître les indemnités à la disposition des élus des petites communes (prise en charge des frais de garde d’enfants…), encourager des solutions de garde pendant les conseils municipaux et communautaires, former systématiquement les membres des conseils municipaux, lutter contre les stéréotypes mais aussi contre l’autocensure, désigner un référent égalité…

Marie Gasnier


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