Des Tunisiens manifestent pour la laïcité

La Tunisie après Ben Alidossier
Le gouvernement tunisien comme le principal mouvement islamiste, Ennahda, ont vivement condamné ce samedi le meurtre d'un prêtre catholique polonais retrouvé hier près de Tunis.
publié le 19 février 2011 à 17h29

Le gouvernement tunisien et le principal mouvement islamiste, Ennahda, ont vivement condamné samedi le meurtre d'un prêtre catholique polonais près de Tunis, où plusieurs centaines de manifestants ont défilé pour réclamer une "Tunisie laïque" et dire "non" au "fanatisme".

Confronté à une vague de violences depuis la chute de Ben Ali le 14 janvier, le gouvernement a condamné ce meurtre, appelant "tous les hommes de religion et la société civile" à agir "avec détermination pour éviter que de tels actes ne se reproduisent"

Marek Rybinski, 34 ans, a été retrouvé mort égorgé vendredi dans le hangar d'une école privée à Manouba, près de Tunis. Il s'agit du premier meurtre d'un religieux et d'un étranger depuis le départ de Zine El Abidine Ben Ali sous la pression de la rue.

Le directeur de l'école a affirmé à l'AFP qu'il avait recu le 30 janvier une lettre de menace adressée au "juifs" et qu'une plainte avait été déposée.

"Tuer un catholique en Tunisie est une chose anormale et commettre ce crime dans ces circonstances est anormale. Ces (...) indices nous montrent qu'il s'agit d'un crime commis par des extrémistes", a estimé une source officielle.

«Amalgames»

Police et armée "combattront rigoureusement et sans hésitation tout agissement à l'encontre de toute religion" car "c'est l'image de la Tunisie qui est en jeu", a ajouté cette source.

Redoutant "des amalgames", le principal mouvement islamiste Ennahda a "vivement condamné" le meurtre du prêtre, y voyant "une manoeuvre pour détourner les Tunisiens des objectifs de la révolution".

"Nous dénonçons ce qui s'est passé et nous condamnons tous ceux qui sont derrière", a déclaré à l'AFP le président de l'assemblée fondatrice d'Ennahda (Renaissance) Ali El-Aryath.

Ennadha a également dénoncé la manifestation d'islamistes qui ont tenté de mettre le feu dans une rue où travaillent des prostituées, dans le cœur de Tunis.

"Nous refusons et dénonçons fortement le recours à (...) toutes formes d'agissements violents et menaces contres des personnes", a dit le responsable d'Ennahda, dont la formation était interdite sous Ben Ali.

Facebook

Refusant que le pays ne tombe aux mains des fanatiques, des centaines de Tunisiens ont manifesté samedi dans la capitale "pour une Tunisie laïque".

"Arrêtez vos actes extrémistes", "Pour une Tunisie laïque", "Laïcité = liberté et tolérance", pouvait-on lire sur des panneaux brandis dans la foule mobilisée après un appel sur Facebook.

"Il y a une montée des islamistes qui ont manifesté pour faire fermer les maisons closes et devant la synagogue", s'est inquiété un étudiant de 19 ans, Amine Zidi. Le 11 février, juste avant le début de shabbat, un groupe d'hommes avait scandé des slogans antisémites devant la Grande synagogue de Tunis. La police était alors déployée près des manifestants.

Plusieurs manifestants ont estimé que le meurtre du prêtre polonais devait sans doute être le fait de personnes restées fidèles à Ben Ali. "Egorger, ce n'est pas dans l'habitude des Tunisiens. Cela ressemble à une manipulation des bénalistes pour semer la zizanie, à une propagande pour montrer que la nouvelle Tunisie n'est pas tolérante", jugeait Kaouther, 42 ans.

Le régime autoritaire de Ben Ali, qui avait fait arrêter des milliers d'islamistes durant les années 90, se présentait comme un rempart au fanatisme.

Des centaines d'autres Tunisiens ont manifesté samedi devant l'ambassade de France à Tunis pour réclamer le départ du nouvel ambassadeur français Boris Boillon, dénonçant "son manque de diplomatie" et "son agressivité" lors d'une première rencontre avec la presse jeudi.

Le nouvel ambassadeur de France en Tunisie "est dans l'action, pas dans la polémique", a réagi le ministère français des Affaires étrangères.

Enfin, comme promis par le gouvernement de transition quelques jours après la chute de l'ancien régime, l'amnistie générale pour les prisonniers politiques est entrée en vigueur samedi après promulgation du premier décret-loi.

(Source AFP)

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