La santé mentale des salariés, un volet trop souvent négligé dans les plans sociaux
[Chronique RH] Alors que les plans sociaux se multiplient en France, la prévention des risques psychosociaux reste souvent insuffisamment prise en compte dans le cadre des restructurations. Au risque de malmener la santé physique et mentale des salariés licenciés et de ceux restés dans l’entreprise.
Cela lui a fait «l’effet d’une bombe atomique». En novembre, le chef de ligne Bertrand Baudelot, 59 ans, a appris la fermeture de son usine, ArcelorMittal Centres de services à Reims (Marne), prévue en juin prochain. «C’est choquant, usant moralement. J’en fais même des cauchemars», témoigne, auprès de France 3 Champagne-Ardenne, ce salarié qui travaille depuis de nombreuses années pour le groupe de sidérurgie.
Troubles du sommeil, fatigue mentale… Les récits des salariés licenciés rappellent souvent à quel point les restructurations d’entreprises favorisent les risques psychosociaux (RPS), issus de situations de travail stressantes et, souvent, entachées de relations conflictuelles.
Des situations qui risquent de se multiplier dans les entreprises en 2025, alors que les estimations oscillent entre 65000 et 680000 défaillances attendues au cours de l’année, après une année 2024 déjà record.
Lutter contre une forme de fatalisme
Face à ces risques, les employeurs doivent, en vertu du code du travail, prendre les mesures nécessaires pour protéger la santé mentale de leurs salariés. Dans le cadre de sa mission de validation des plans de sauvegarde de l'emploi, l’administration, au travers des Dreets (ex-Direccte), a d'ailleurs la mission de vérifier, dans les entreprises d'au moins 50 salariés, la mise en œuvre de mesures pour lutter contre les risques psychosociaux.
«Mais dans ces périodes, les DRH, les dirigeants et les représentants du personnel ont tendance à baisser les bras. Ils font preuve de fatalisme en disant qu’il est normal que tout le monde aille mal, étant donné les perspectives et qu’on ne peut rien y faire, ce qui est bien évidemment faux», regrette Camy Puech, le fondateur du cabinet spécialiste de la santé mentale des salariés Qualisocial. «En ce moment, Qualisocial doit avoir entre 40 et 50 projets de restructuration en cours, ajoute-t-il. Certaines entreprises vont annoncer des fermetures de sites avec une fin effective à fin 2026. Il n’est pas possible de ne pas se soucier de ce que vont vivre les gens pendant deux ans !»
Les managers, une population à ne pas négliger
Dans le cadre d’un plan social, trois types de mesures sont fréquemment recommandées. La première consiste à réaliser une étude en amont pour anticiper l’impact de la restructuration sur les salariés et préparer ainsi un plan d’action. «Mais cela est très peu fait dans la réalité, par manque de temps notamment, déplore Brigitte Vaudolon, la directrice générale du cabinet Pulso en France, auprès de L’Usine Nouvelle. C’est aussi un problème de budget de manière plus générale. Les dispositifs de prévention ont un coût et il s’agit toujours d’un arbitrage.» Certaines entreprises sont aussi plus ou moins allantes sur la question.
Une mesure plus courante consiste à former les équipes RH et l’encadrement, voire les représentants du personnel, aux risques psychosociaux dans les périodes de changement. Il s’agit notamment d’être capable de détecter les signaux de mal-être et de savoir comment réagir, par exemple en orientant certains salariés vers la médecine du travail. Le management intermédiaire fait alors souvent l’objet d’une attention particulière en raison de son exposition aux risques. Eux-mêmes déboussolés, les managers doivent pourtant continuer d’appliquer des décisions avec lesquelles ils ne sont pas forcément d’accord, tout en restant à l’écoute des difficultés de leur équipe.
Les salariés qui restent sont trop souvent oubliés
L’intervention de psychologues dans l’entreprise est enfin une mesure fréquente. «Mais cette mesure n’est plus vraiment préventive. Il s’agit d’aider des gens déjà en difficulté pour faire en sorte qu’ils recouvrent la meilleure santé possible», souligne Brigitte Vaudolon.
Dans un guide sur la prévention des risques psychosociaux lors des restructurations, la Fédération des intervenants en risques psychosociaux (Firps) préconise de s’assurer aussi du suivi médical des salariés licenciés après leur départ de l’entreprise, par exemple en établissant des conventions avec des structures de santé locale. «Ce serait souhaitable mais je n’ai pas encore vu d’entreprise mettre en place ce type de suivi», commente Brigitte Vaudolon.
Quant aux salariés restants dans l’entreprise, ils sont aussi trop souvent oubliés. Pour eux, revenir aux affaires peut pourtant être très compliqué quand la charge de travail s’est accrue afin de remplacer les salariés licenciés et qu’il existe une crainte d’être les victimes d’une prochaine réorganisation.
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