Ouvrages olympiques : la Grande Nef de l’Ile-des-Vannes revient sur le devant de la scène
Le vaisseau amiral de l’île Saint-Denis en Seine-Saint-Denis retrouve de sa superbe à la faveur des Jeux olympiques et paralympiques (JOP) de Paris 2024.
Amélie Luquain
Cerceaux et rubans voltigeront dès le mois de juin sous l’emblématique couverture de la Grande Nef de l’Ile-des-Vannes. Les gymnastes prendront possession des lieux pour leurs entrainements avant de concourir aux Jeux olympiques à l’Aréna Porte de la Chapelle. Pour les accueillir avec autant de faste que leur justaucorps à paillettes, l’équipement de Saint-Ouen (Seine-Saint-Denis) s’est refait une beauté. Cette architecture onirique, pur produit des années 1970 inscrite à l’inventaire supplémentaire des Monuments historiques, a fait l’objet d’une rénovation d’envergure portée par la Société de livraison des ouvrages olympiques (Solideo) et l’agence Chatillon Architectes.
« Avec le patrimoine récent, c’est toujours la même ambiguïté. Nous avons l’impression de le connaitre, mais en fait, à travailler dessus, nous nous rendons compte qu’il ne correspond en rien aux critères actuels », témoigne François Chatillon, l’architecte en chef des monuments historiques. Ici, l’enjeu principal réside dans la reprise de la remarquable couverture. Avec sa surface souple paraboloïde et hyperbolique de 3000 m² tendue par un maillage de câbles entre deux arcs obliques de béton sur 100 m de long, sa structure reste inédite. Sa rénovation ne pouvait s’arrêter à une stricte remise aux normes, car l’ouvrage ne trouve pas de justification avec les règles actuelles de calculs.
« Nous avons donc opté pour une posture originale, celle de jouer le rôle des avocats des auteurs, les architectes Pierre Chazanoff et Anatole Kopp, avec l’ingénieur René Sarger. Ce n’est pas parce que nous ne savons pas justifier cette structure extraordinaire aujourd’hui qu’ils n’en étaient pas capable à l’époque, d’autant que, près de 50 ans après son inauguration, elle a passé l’épreuve du temps », justifie François Chatillon.
© Solideo - Cyril Badet
Réviser l’étanchéité de la couverture
À partir de là, comment rendre l’édifice conforme aux usages actuels, sans infirmer sa vigueur ? « S'il y a parfois eu des conflits, les questions ont finalement trouvé des réponses », avoue l’architecte. Les interventions ont principalement consisté à réviser l'étanchéité de la nef, dont les défauts avaient contraint à la fermeture de l’équipement en 2018. Quant au maillage de câbles tendus existants, les bacs acier, jugés en bon état, sont conservés. « Non seulement ce choix nous permet de limiter nos interventions structurelles et de rester dans la limite du poids à ne pas dépasser, mais c’est aussi un moyen d’éviter un processus d’Atex, pour réaliser cette mise en œuvre hors du commun », explique Jérémy Fromont, responsable de projet pour la Solideo. Dessus, un nouvel isolant a été posé. Il est habillé d’un pare-vapeur et enfin d’une membrane en PVC blanche.
Il fallait ensuite assurer la performance thermique de l’ouvrage. Les façades en tôles ondulées et simples vitrages ont donc été remplacées par des panneaux de polycarbonate double peau qui viennent occulter les rayons du soleil. « Selon les notes de calcul, les consommations seront divisées par quatre », assure Jeremy Fromont.
© Solideo - Cyril Badet
Côté ventilation, « les arches en béton qui portent la toiture étaient creuses. Tout l’air passait par là, ce qui était tout à fait magnifique », indique François Chatillon. « Mais nous avons dû les calfeutrer, car elles sont amiantées. Désormais, c'est donc une gaine de soufflage perforée qui suit la courbe de l’arche qui assure la ventilation du volume », précise-t-il.
© Solideo - Cyril Badet
La réverbération acoustique sera, elle, gérée par des baffles suspendues sur les caissettes en place. Quand il a fallu choisir des sièges pour les gradins qui en étaient dépourvus à l'origine, le choix a fait l'objet de débats infinis ! « On ne revient jamais aux origines quand on réhabilite. Si le bâtiment n’est plus tout à fait le même, nous procédons toujours en pleine conscience de ce qui nous a précédé, assume l’architecte. Ces choix impliquent de réaliser des détails à la hauteur de ce qui est laissé entre nos mains ». Et le visiteur peut le percevoir sur place : l'esprit des lieux est intact.
© Solideo - Cyril Badet
Quant aux abords, ils sont en reste. Gageons que les Jeux inciteront à leur réfection, lorsque la Grande Nef sera rendue aux Audoniens, pour être mise à disposition des scolaires, des compétitions sportives régionales et de la Parker Academy, l’école du basketteur Tony Parker, qui a prévu de s’installer sur place.
© Chatillon Architectes - Antoine Mercusot
Maîtrise d’ouvrage : Solideo
Maîtrise d’œuvre : Chatillon Architectes, Igrec (bureau d’études et économiste)
Entreprises principales : CCR, filiale du groupe Balas (gros œuvre, VRD), Balas (clos couvert, restauration béton, serrurerie), Bonnardel (menuiseries intérieures, signalétiques, Agilis (revêtement de sols sportifs), Snidaro (revêtement de sols et murs durs), Duval et Mauler (faux plafonds, peintures), Insmatel (CFO/CFA – SSI), Eiffage Energie Systèmes – Clevia IDF (CVC, plomberie), Euro-Ascenseurs (appareils élévateurs)
Montant global : 12,6 millions d'euros.
Livraison prévisionnelle : mai 2024