Ces liens qui unissent Mozart et le champagne
Mozart et champagne, ça paraît évident, et pourtant ! Si on trouve bien des chocolats qui portent son nom, il n'est pas tellement de cuvées qui lui rendent hommage. Il faut se rappeler que le Siècle des lumières a vu naître, entre autres merveilles, un musicien surdoué, et l'avènement d'un certain vin qui fait des bulles.
Passer la publicité Passer la publicitéEn 1722, le champagne est servi pour la première fois au buffet du sacre de Louis XV. Contrairement à son papy de roi Soleil amateur de Chablis, le nouveau roi sera célèbre pour faire mousser les parties fines au son des bouchons qui sautaient dans tous les coins. À leur tour, les cours d'Europe vont se jeter sur ce vin qui fait des merveilles en soirée, à cette époque où bouillonne déjà l'esprit des Lumières ! L'heure est à l'espoir : les progrès de la pensée, des sciences et de la durée de vie permettent de voyager, de s'instruire et de se frotter aux arts divers. Dans cette atmosphère propice à la démonstration de l'excellence, le petit Mozart et son père Léopold se lancent dans le Grand Tour. Entre 1762 et 1766, les nobles ébaubis vont gâter le prodige en le couvrant de douceurs, friandises et bijoux… Et, sûrement, de coupes de punch et de champagne, dont le gamin est friand !
Le roman d'un jeune homme
En mars 1778, le jeune homme de 22 ans est à Paris, et rien ne va comme prévu : sa mère est malade, il est couvert de dettes et l'enfant prodige trop vieux est boudé par la noblesse ; il souffre d'avoir dû renoncer à son grand amour Aloysia Weber, une cantatrice que son père lui défend de fréquenter – il épousera sa soeur. Quand sa chère maman finit par trépasser dans une masure des Halles, au lieu de rentrer directement à Salzbourg, où l'attend son père, il va faire un long crochet de plusieurs mois à Strasbourg. On sait qu'en octobre 1778, Mozart mène une vie de patachon avec ses amis musiciens d'Alsace, tels que le facteur d'orgue Silbermann, Sixtus Hepp, le violoniste Franck Beyer et le kapellmeister Richter : ensembles, ils divisent, font la fête et s'enivrent au vin de Champagne et aux jolis blancs de Moselle.
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Quand Don Giovanni coince la bulle
Dix ans plus tard, on retrouve le jeune trentenaire à Prague, où il compose son Don Giovanni . Son père vient de mourir, et lui mène une vie mondaine arrosée de champagne et de Tokay. Avec ce «drame comique» écrit par le brillant Da Ponte, prêtre défroqué, séducteur impénitent et ami de Casanova, il va révolutionner l'art de l'opéra. Si le début de l'acte montre un Don Juan commettant l'irréparable lorsqu'il tue le père de la fille séduite et déshonorée, la fin de l'acte lui donne un autre visage avec l'air dit «du champagne !» Une aria vif-argent, empressée et virtuose, portée par un staccato propre à essouffler le baryton qui interprète cette canaille aux penchants humains – trop humains :
«Pendant que le vin leur chauffe la tête, fais préparer une grande fête !
Si tu trouves encore quelque fille sur la place, invite-la elle aussi à te suivre
Que la danse n'ait aucun souci d'ordonnance :
fais-leur danser qui le menuet, qui la folie, qui l'allemande.
Et moi pendant ce temps, je vais lutiner celle-ci ou celle-là.»
Mozart ou l'effervescence
Remarquable par sa vitesse et sa courte durée, cet air est «jubilatoire» : voilà le mot qui revient le plus au sujet de la musique de l'Autrichien, chez les mélomanes comme les profanes, qui n'ont pas besoin d'avoir l'oreille absolue pour goûter à l'effervescence du génie mozartien ! On pourrait penser que le compositeur a mis un petit peu de lui dans ce personnage de libertin épris de liberté, lui qui aimait les soirées où le champagne coulait à flots et goûtait peu la pudibonderie. Comme dans Amadeus, le bijou baroque de Milos Forman, où le jeune homme est portraituré en impulsif, rigolo, grivois et fêtard… Un portrait sûrement proche de l'original, amoureux de la vie et démon de l'orchestration. Le champagne, qu'il mentionne régulièrement dans ses correspondances, pourrait être comparé aux musiques de Mozart : d'une redoutable technicité derrière une séduisante apparence de facilité. Comme un chef de cave qui assemble ses crus par couleurs aromatiques, Mozart a le premier eu l'art de construire ses arias à plusieurs voix par touches successives, pour que l'auditeur puisse «déguster» cet ensemble : c'est ce que certains amateurs appellent des «airs champagne !»
Des vendanges au son de Mozart
Sait-on par ailleurs que la ville de Reims est jumelée avec Salzbourg ? Amusant, certes, mais l'association Mozart – champagne ne s'arrête pas là ! En 2019, le chef d'orchestre et violoncelliste franco-iranien Pejman Memarzadeh fonde Génération Mozart, un ensemble qui entend faire résonner les Lumières en choisissant de jouer des partitions de l'éternellement jeune compositeur et de ses contemporains. Convaincu que «Mozart est à la musique ce que le champagne est au vin», c'est en musique et en bulles qu'il anime la tournée des vendanges. Pour cette 4ème édition, Génération Mozart jouera à l'église Saint Germain des Prés avec l'ensemble lyrique Champagne Ardennes, pour une soirée virtuose suivie d'une réception animée par des maisons de champagne sensibles à l'effervescence classique !
Deux cuvées mozartiennes
Le blanc de blancs B015 de chez Jacquart (79 € le magnum de 150 cl)
Dégorgé après cinq ans de maturation, ce 100% chardonnay brut est une explosion de sève charnue et fruitée, dominée par un gracieux bouquet de fleurs blanches, et de fraîches notes d'agrumes en fin de bouche. Il est bon de marier sa robe mordorée, promesse d'une jeunesse éternelle, en se passant l'Exsultate jubilate d'un Mozart d'à peine 17 ans déjà en pleine possession de ses moyens, si possible chanté par Cecilia Bartoli et en bonne compagnie !
La cuvée D de la maison Devaux (55€ les 75 cl)
Assemblé par Michel Parisot, chef de cuve et organiste à ses heures, cet assemblage de pinot Noir et de chardonnay fait montre d'un équilibre parfait, tel un 2ème mouvement du concerto n°23 composé par un Mozart au sommet de son art. Au menu de cette cuvée, une partition à la technicité accomplie pour un jus solaire et complexe, comme un hommage au contrepoint si bien maîtrisé par Mozart!
Infos pratiques :
Tournée des vendanges du 17 au 19 octobre
- 17/10/2024 à 20h30 : Eglise Saint-Germain-des-Prés de Paris
- 18/10/2024 à 20h : Conservatoire de Reims
- 19/10/2024 à 20h : Halle de Ricey-Haut
Billetterie : 20-30€ (generationmozart.org)
Merci à Pejman Memarzadeh (Génération Mozart), Joëlle Weiss (Champagne Jacquart) et Michel Parisot (Maison Devaux)
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