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Billet de blog 28 février 2025

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Les livreurs à vélo : un état de santé en danger

Le César du meilleur espoir est attribué à la régularisation des coursiers sans papiers.

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Combien sont-ils comme le vaillant Souleymane sublimé par Abou Sangare, à pédaler au risque de leurs vies pour satisfaire nos palais fainéants ?

Des livreurs à vélo qui travaillent sans compter.

Autoentrepreneurs hors normes, ils cravachent pour les grandes plateformes de livraison, telles qu’Uber Eat, Deliveroo, etc. Toujours hommes, âgés de 28 ans en moyenne, venant dans 90% des cas de l’étranger, très souvent en situation irrégulière, ils sont nombreux à sous-louer le compte d’une personne en règle sur le territoire et à verser en contrepartie près de 800 euros par mois. Pour survivre et servir, ils se mettent en selle 6 jours par semaine, 9 à 10 heures par jour, avec un sentiment d’excitation et d’amertume, faisant preuve d’un courage exemplaire et d’une ténacité aveugle.

Comme s’ils n’existaient pas

Abimés par l’attente d’un sésame administratif qui n’arrivera peut-être pas, rongés par la clandestinité, trimballés de centres d’hébergement en anciens foyers de travailleurs migrants, un seul objectif les guide : livrer le maximum de sacs en kraft pleins de victuailles à des Minotaures affamés, qui en échange rarement leur dardent une petite pièce de monnaie, et daignent parfois apposer un « j’aime » sur une quelconque application. Dans leur quotidien endiablé, la violence de l’ignorance côtoie la bravoure, jusqu’à l’oubli de soi.

Au détriment de leur santé mentale et physique

En effet, ces athlètes d’indifférence, pour qui la circulation de la ville prend le visage de Nemesis, souffrent entre autres de douleurs musculo-squelettiques chroniques, de troubles urogénitaux (impuissance, douleurs testiculaires et urinaires). Pourtant, selon l’enquête "livreurs à deux roues 2024" de Médecins du Monde, la moitié ne dispose pas de couverture maladie. Ils développent également des troubles psychiques provoqués notamment par un fort stress lié au management algorithmique, à des temps de livraison chronométrés, à des cadences infernales et à des appréciations forcément subjectives de clients, qui peuvent entrainer l’irréfragable blocage du compte. Alors, pour que ces parcours de combattants deviennent des vies d’habitants, à l’instar d’Abou Sangare et de son personnage miroir Souleymane, permettons à tous ces coureurs de dignité, qui prennent soin de nous, de conserver leur santé en obtenant un titre de séjour, la seule vraie clef des champs.

Aurélie EL HASSAK-MARZORATI

Directrice générale du CASP, co-gestionnaire de la Maison des Coursiers de Paris, aux côtés de CoopCycle.

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